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Entretien avec Willy Demeyer

Willy Demeyer, bourgmestre de Liège depuis 1999, est également Président du Groupe de Redéploiement Economique de Liège (GRE) dont la mission est de développer les conditions nécessaires pour la création d’emplois durables dans la province Liège. La rénovation énergétique des bâtiments constitue d’une part une des réponses aux enjeux climatiques et énergétiques actuels, mais aussi une stratégie économique.
Dans cette dynamique un vaste projet de rénovation énergétique a été lancé en 2014 assurant la mise en œuvre de Contrats de Performance énergétique (CPE).

1.    Pouvez-vous décrire l’approche innovante mise en œuvre pour la rénovation énergétique des bâtiments de Liège?
Un processus de réflexion sur la rénovation énergétique des bâtiments publics dans la province de Liège a été initié par le GRE en 2014. En effet, le potentiel d’investissements en rénovation énergétique en province de Liège est évalué à 10 milliards, ce qui pourrait engendrer la création et la mobilisation de plus de 4000 emplois.
 Cette réflexion a permis d’aboutir à la création du guichet unique RenoWatt dont la mission est d’épauler les entités publiques dans la mise en œuvre de Contrats de Performance Energétiques (CPE) permettant de garantir une économie d’énergie et la réduction des émissions de CO2. L’assistance fournie par RenoWatt nous assure une expertise technique, financière et juridique. En effet, RenoWatt s’est constitué en Centrale de Marchés et gère pour nous toutes les procédures de marchés publics. 12 entités publiques se sont inscrites dans la dynamique du projet pilote RenoWatt. Les CPE représentent un modèle innovant encore peu connu dans le paysage énergétique wallon bien que cette pratique, dont les résultats probants sont avérés, soit de plus en plus répandue en France ou en Allemagne.
 Vu l’engagement de la Ville de Liège dans la transition énergétique, et en tant que membre de la Convention des Maires, nous avons directement rejoint cette initiative avec enthousiasme. Nous avons en effet un « Plan d’action Energies Renouvelables » très ambitieux, et la dynamique initiée par le GRE Liège nous permet de rencontrer une partie de nos objectifs en matière de rénovation de bâtiments publics grâce à l’expertise et aux moyens mis en œuvre dans le projet pilote RenoWatt.

2. Pourquoi avez-vous décidé d’opter pour la mise en œuvre de Contrat de Performance Energétique pour la rénovation de vos bâtiments?   
Un des éléments fondamentaux qui nous a séduits dans cette approche novatrice est la garantie de résultats énergétiques se traduisant entre autres par un gain financier non négligeable pour la Ville.
Les Contrats de Performance Energétique permettent à une autorité publique de passer un contrat avec une société de service énergétique qui se charge de garantir la performance énergétique d’un bâtiment et donc, de garantir la diminution de la consommation énergétique.
La société, et ses sous-traitants, réalise les travaux nécessaires pour atteindre les diminutions énergétiques et réalise la maintenance des installations pour garantir la performance énergétique.
Les services de l’ESCO sont payés en partie ou en totalité via les économies réalisées sur une période prédéterminée. Au terme de cette période, le bénéfice des investissements revient à la ville.
 
Un projet de CPE présente de nombreux avantages pour le pouvoir public:
 

  • Tout d’abord, les contrats de performance énergétique présentent un intérêt évident au niveau de l’emploi local. Il est en effet nécessaire d’avoir de la main-d’œuvre de proximité pour assurer la maintenance des installations et le contrôle de ces dernières.
  •  Ils comportent également des avantages financiers au niveau du cashflow de la ville, étant donné que les économies d’énergie permettent le remboursement des investissements.
  •  La majeure partie des investissements consentis sont destinés à des travaux d’isolation (isolation des murs et toitures et changement des châssis), ce qui représente une réelle plus-value sur les bâtiments et une revalorisation du patrimoine.
  •  L’implication directe de la ville de Liège dans la lutte contre le changement climatique a permis une diminution significative des émissions de CO2.

La particularité des CPE labelisés RenoWatt est de rassembler dans des mêmes pools des bâtiments appartenant à des entités publiques différentes. En effet, pour qu’un CPE intéresse une société de service énergétique (ESCO), il est indispensable que les projets atteignent une taille attractive. Ainsi, des entités publiques comme des petites communes plus rurales qui n’ont pas le volume nécessaire pour lancer individuellement des CPE peuvent s’inscrire activement dans une démarche de rénovation énergétique. Cette solidarité entre les villes et communes nous apparait comme un atout, tout comme l’économie d’échelle générée par le pooling de bâtiments.

3.  Quels types de bâtiments ont bénéficié du programme ? Quels résultats avez-vous obtenus?
12 écoles, 3 complexes sportifs, et un site militaire réhabilité en bureaux, ainsi que divers ateliers de services communaux font l’objet de 3 Contrats de Performance Energétiques distincts.

Les mesures de rénovations prises vont du changement des châssis, du renouvellement des installations HVAC  (chauffage, climatisation et ventilation) à l’isolation de l’enveloppe.
Ces CPE nous garantissent dans l’ensemble une diminution d’énergie de 35%. Dans l’absolu, ce sont les complexes sportifs qui permettent de générer l’économie d’énergie la plus importante (près de 50%).
Le niveau de performance atteint suite à ces rénovations est garanti pour une période de 15 ans grâce une maintenance performante. Ces mesures nous permettent une économie globale d’énergie de près de 9 millions de kWh (kilowatt-heure) par an et une réduction globale d’émissions de CO2 de 50% sur les bâtiments concernés par les CPE RenoWatt.

4.  Comment évaluez-vous cette expérience au d’un point de vue socio-économique ?
Nous nous réjouissons de ce nouveau virage pris par la ville de Liège dans sa transition énergétique et souhaitons poursuivre cette dynamique.
Au-delà du gain financier offert par les CPE, au niveau du personnel de la ville travaillant main dans la main avec Renowatt, c’est l’occasion pour eux d’adopter une nouvelle approche dans la gestion des bâtiments. Il s’agit d’une montée en compétences de nos agents grâce à de nouveaux apprentissages et des formations permettant de mesurer la performance énergétique par exemple.
 Par ailleurs, une très grande attention a été portée sur l’aspect socialement responsable des marchés CPE, permettant de promouvoir l’emploi local, la clause de formations, la lutte contre le dumping social ou la limitation de la sous-traitance, entre autre.  
 Cette prévalence sociale des marchés CPE lancés par RenoWatt est le fruit d’une riche réflexion menée avec les Syndicats, le Service public de l'emploi et de la formation en Wallonie (le FOREM), la Fédération de la Construction. Les marchés CPE lancés par RenoWatt font actuellement figure de précurseurs dans le paysage wallon. Pour la seule ville de Liège, minimum 2750 heures de formation seront assurées dans le cadre des CPE et le recours aux entreprises d’économie sociale sera privilégié.
 En tant que Président du GRE, je ne peux que me réjouir des retombées économiques de ce projet : 322 emplois directs créés et 780 emplois indirects sur le territoire wallon
 Je ne suis d’ailleurs pas le seul à évaluer positivement cette expérience, le 31 mai 2017, le projet RenoWatt a reçu le prix du « meilleur projet de service énergétique  2017 » de la part de la Commission européenne et de la Berliner Energie Agentur.
 Dans le cadre de la dissémination de CITYnvest, je me réjouis de voir que le modèle développé à Liège constitue une source d’inspiration dans d’autres régions européennes tel que le projet Rodhoshop qui vient d’être lancé en Bulgarie.

5.      Quelles sont les obstacles que vous rencontrez dans l’implémentation de tels projets à Liège? 
Dans le cadre du projet pilote RenoWatt, le temps imparti était très court (30 mois). Ce timing n’est pas toujours le reflet du calendrier des entités publiques et requiert donc un engagement politique fort pour respecter les délais et avancer à la même vitesse que les autres entités publiques impliquées dans les pools de bâtiments.
La compréhension et l’intégration d’un nouveau modèle peu répandu en Wallonie et même en Belgique demande un travail de conviction vers le Collège des Echevins et le Conseil communal. La communication constante de la part de RenoWatt ainsi que le recours à des outils techniques et financiers d’aide à la décision constituent un gros atout et ont permis de rassurer tant l’Echevin des Finances que celui des Travaux.
Un élément à ne pas sous-estimer est l’engament et la charge de travail demandés aux responsables techniques et énergie de la Ville, la récolte de données propres à chaque bâtiment intégré au CPE demande du temps et une grande rigueur (en effet, la qualité de celles-ci a un impact direct sur les propositions de CPE et les économies engendrées). Le rôle des responsables techniques est crucial car ce sont eux qui connaissent le mieux le parc immobilier.
Une fois le CPE lancé, il appartient également à la commune de veiller à ce que les prescriptions de l’ESCO relatives à l’exploitation et à l’utilisation du bâtiment et des installations techniques soient respectées ou implémentées ; de veiller à un comportement d’utilisation acceptable (par exemple, pour ce qui concerne l’ouverture des fenêtres, l’extinction des lumières…) et prévenir tout gaspillage intempestif d’énergie.